Nous ne discuterons pas ici de l’importance du jeun court avec ingestion de liquides clairs (eau tisane, thé, jus sans pulpe) qui est fortement recommandé, jusqu’à 2 heures avant l’intervention. Nous discuterons de la charge glucidique avant chirurgie majeur dont le concept remonte à une vingtaine d’année. Ce concept est fondé sur plusieurs études montrant que la charge glucidique réduit l’insulino-résistance péri-opératoire [1] et aurait un effet bénéfique sur le confort préopératoire immédiat et les suites opératoires en termes de complications et durée de séjour.
Que nous dit la littérature concernant cette mesure recommandée par toutes les Sociétés savantes de RAC ? Nous ne retiendrons que les méta-analyses d’essais randomisés qui représentent le meilleur niveau de preuve pour répondre à cette question. La recherche bibliographique retrouve 4 méta-analyses « quantitatives » publiées entre 2012 et 2017 [2-6]. Ces méta-analyses ont inclus un nombre croissant d’essais randomisés mais la multiplicité des types de chirurgie (mineure comme la cholécystectomie ou la thyroïdectomie ou majeure comme la chirurgie colorectale) dans différentes spécialités (digestive orthopédique, cardiaque etc) sans analyse de sous-groupes par spécialité ou acte opératoire, limite la validité externe des méta-analyses (c’est-à-dire la reproductibilité de leurs conclusions dans la pratique quotidienne).
Le tableau 1 résume les données et les conclusions de ces 4 méta-analyses.
La méta-analyse la plus récente [5] confirme le faible impact de la charge glucidique préopératoire sur la durée de séjour, au même titre que d’autres mesures individuelles de la RAC. On peut considérer que le seul critère de jugement « durée de séjour » peut être critiquable. Mais cette méta-analyse a l’intérêt de comparer différents types de protocoles de charge glucidique et d’analyser les résultats en fonction du groupe contrôle (jeûne, eau ou placebo). Elle montre sur un grand nombre de patients que la charge glucidique est plus utile que le jeûne prolongé (en diminuant les sensations de soif, de faim et de sécheresse buccale), mais ceci semble moins évident lorsqu’elle est comparée (même à forte dose) à l’eau claire. Elle suggère aussi que la charge glucidique à faible dose et en une fois serait supérieure à une charge plus élevée. Comme dans 2 autres méta-analyses [3,4], l’effet de la charge glucidique sur la durée de séjour ne s’observe que pour la chirurgie viscérale majeure (mais peu d’études concernent les autres types d’intervention). La méta-analyse la plus récente [5] soulève aussi le problème de l’important biais de publication (les études avec des résultats en faveur de la charge glucidique ont peut-être été plus publiées que les études négatives). On peut donc considérer que le niveau de preuve en faveur de la charge glucidique préopératoire est relativement faible. On peut répondre que les fondements physiopathologique de la charge glucidique sont solides (diminution de l’insulino-résistance), mais les méthodes utilisées, dans les essais publiés, pour mesurer cet effet sont multiples et parfois peu fiables. Malheureusement, la question reste, pour l’instant, sans réponse factuelle avec un bon niveau de preuves.
K. Slim, C. Chambrier
Références
- Ljungqvist O, et al. Proc Nutr Soc 2002;61:329-36.
- Li L, et al. Surg Today 2012;42:613-24.
- Awad S, et al. Clin Nutr 2013;32:34-44.
- Smith MD, et al. Cochrane Database of Systematic Reviews 2014;8:CD009161.
- Amer MA, et al. Br J Surg 2017;104:187-97.
Tableau 1 : caractéristiques de méta-analyses sur la charge glucidique pré-opératoire
Auteur | Année de publication | Critères PRISMA | Nb d’essais inclus | Types de chirurgie | Critère principal de jugement | Analyses de sous-groupes | Principales conclusions des auteurs | Hétérogénéité |
Li L et al. [2] | 2012 | OUI | 22 | Divers | Insulino-résistance (IR) | OUI | Faisable, peut atténuer l’IR | OUI (biais) |
Awad S et al. [3] | 2013 | OUI | 21 | Divers | Durée de séjour | OUI | Réduit la durée de séjour d’un jour en cas de chirurgie majeure, réduit l’IR mais sans effet sur les complications | OUI ( ?) |
Smith MD et al. [4] | 2014 | OUI | 27 | Divers | Durée de séjour | OUI | Réduit de manière modérée la durée de séjour (0,3 jour). Aucun effet sur les complications | OUI (biais dus à l’absence d’insu) |
Amer MA et al. [5] | 2017 | OUI | 43 | Divers | Durée de séjour | OUI | Réduit faiblement la durée de séjour, par rapport au jeûne. Mais aucune différence avec l’eau claire (placebo). Résultats peu consistants pour l’IR | OUI (biais de publication) |